dimanche 6 janvier 2013

Ta chapka

J'avais les pétoches de rouler la nuit mais on avait dit qu'on se retrouvait avant la fête alors j'avais pris la voiture jusqu'à chez ta mère et mes phares n'éclairaient pas assez. Je devais deviner si la route tournait ou si elle restait droite et le plus souvent, elle tournait.
Je suivais les courbes en restant le plus concentrée possible, et je voyais les boules de lumières rouges et vertes des feux dans le coin de mon oeil. J'en passe un pis deux, toujours vert, sauf que c'était, en fait, le vert des piétons et j'étais pas un piéton là. La voiture qu'arrivait en perpendiculaire a freiné mollement en ouvrant des yeux vraiment ronds, incrédule.
Après ça j'avais le coeur qui battait trop fort et j'ai raté la route à gauche parce que les phares éclairaient vraiment que dalle et que mon coeur mon remontait dans la bouche.

Quand on s'est retrouvé c'est toi qui as conduit et évidemment c'était pas plus mal.
J'aimais ça, ta chapka juchée insolente et exotique sur tes cheveux poivre et sel.
J'aimais ça ta voiture qui couinais joyeusement dans le froid Décembre
et ta main sur moi quand tu conduisais.

*

Tout le week-end on a fait l'amour, on s'est mangé le ventre et les cuisses avec des bouches de géants pleines de langues enroulées après on mangeait de la salade aux noix avec ta mère et dehors il faisait -3°.
Ensuite c'était lundi.
Ça donne pas envie le lundi, j'aimerais mieux ton corps chaud et du café , peut-être tout le monde, mes collègues, ils voudraient ton corps chaud et du café, les autistes viendraient aussi, ça pourrait être gai. Au lieu de ça on taille la vigne eux et nous, les branches tombent par terre emmêlées, on taille avec des gros sécateurs ça fait peur aux doigts rangés dans les gants, on se méfie de ceux qui piquent des colères, parce que ça coupe quand même beaucoup un sécateur.

Le soir tu m'enveloppais comme une momie chaude et c'était bon. Le matin mon chien me faisait des yeux de biche pour que je reste écrire et boire du café au chaud plutôt que d'aller empiler des olives dans des boîtes plastiques.
Mais quoi c'est lundi !
Finalement les olives me plaisaient et les boîtes plastiques étaient belles avec leurs vives et tranchées et mes collègues me clignaient de l'oeil avec un sourire en coin. Le soleil chauffait la croûte de la terre et moi dessus et pendant ce temps tout faisait racine: les lettres envoyées, les lentilles qui germent, tes doigts dans mes creux (aine et clavicule et tout ce qui reste), les sourires des nouvelles
rencontres.

*

Après un jour ou deux tu repartais et comme t'étais pas là pour me chauffer je gardais mon bonnet pour manger la soupe. C'est long sans toi le lit vide d'histoires et de culottes qui s'envolent. Les plantes que tu détestes se lamentaient quand même sur ton départ. Fallait remplir la maison avec des chansons, le volume à fond et allumer le four et allumer l'ordi et allumer la radio et allumer la bouilloire ça f'sait moins seule tout c'bazar lumineux.
Comme t'étais pas là j'écrivais beaucoup aussi. La vaisselle s'entassait dans l'évier, le frigo se vidait lentement, la poussière s'accumulait dans les coins, le linge se salissait peu à peu. J'voyais rien d'tout ça, d'une t'es pas là, et de deux j'écris.



 ( photo d'ici )