A
Porto, des nuages étaient apparu au propre et au figuré.
D'abord
ma copine s'entendait pas avec son copain-à-lui et ça avait créé
des tensions. Faut dire qu'à la base on était censées partir en
vacances elle et moi, pis qu'au final elle se retrouvait avec ce gars
qu'elle aimait pas, et moi j'étais trop sous le choc de mon récent
coup de foudre pour voir qu'elle allait pas fort. Je faisais que
sautiller autour de mon nouvel amoureux et j'voyais plus les choses
autour, jute lui.
J'étais une si sacrée sale indigne de notre
amitié-fille et y'avait pu que mon soleil blond qui comptait, je
voyais pas que j'la laissait sur l'bord, tout au bord extrême comme
un strapontin pas confort.
Elle
avait des larmes dans la gorge quand elle m'a dit qu'elle allait pas
continuer le voyage avec nous qu'elle s'arrêtait quelques jours pour
voir sa famille pis nous laisser seuls les deux, vu qu'elle comptait
pas son copain-à-lui qu'était en fait un soûlard qu'avait fait
ami-ami avec un type camé de Porto et qui nous avait planté là,
bien fait pour nous qu'avons l'coeur bien sec pour pas voir nos amis
qui souffrent tellement on a le coup d'foudre à rien que deux.
Bon.
Le
copain-soûlard il avait même perdu son sac dans la rue, on l'avait
pas retrouvé nous non plus, on l'a pourtant cherché mais quoi, un
sac perdu c'est quelqu'un d'autre qui le trouve et voilà.
Bref
on était plus que nous deux, avec moi qu'avait le cœur en vrac à
cause de ma négligence de fille pas crédible en amitié.
C'était une amie avec des mocassins le genre que dans le métro t'as envie de suivre parce qu'elle sourit en dedans alors que tout est tellement moche et bruyant autour. J'avais écrit une fois un poème sur elle je me rappelle plus tout, ça disait juste qu'elle était faite de terre et de rubans brillants. C'était un jour où elle faisait du roller dans les rues elle était toujours en équilibre, je voyais juste ses cheveux qu'étaient immenses et qui roulaient autour d'elle à cause du vent. Je croyais toujours qu'elle tomberait, elle tombait pas, elle avait des bracelets brillants sur le poignet qui glissaient et remontaient le long du bras et des yeux limonade qui pétillaient, pas vert, marrons. Elle avait un air toujours prête à tomber même sans les rollers avec les mocassins t'façons, elle tombait jamais en vrai. Elle avait d'la vraie force au fond d'elle, de celle qui fait que t'aimes les gens et que tu les admires aussi.
C'était une amie avec des mocassins le genre que dans le métro t'as envie de suivre parce qu'elle sourit en dedans alors que tout est tellement moche et bruyant autour. J'avais écrit une fois un poème sur elle je me rappelle plus tout, ça disait juste qu'elle était faite de terre et de rubans brillants. C'était un jour où elle faisait du roller dans les rues elle était toujours en équilibre, je voyais juste ses cheveux qu'étaient immenses et qui roulaient autour d'elle à cause du vent. Je croyais toujours qu'elle tomberait, elle tombait pas, elle avait des bracelets brillants sur le poignet qui glissaient et remontaient le long du bras et des yeux limonade qui pétillaient, pas vert, marrons. Elle avait un air toujours prête à tomber même sans les rollers avec les mocassins t'façons, elle tombait jamais en vrai. Elle avait d'la vraie force au fond d'elle, de celle qui fait que t'aimes les gens et que tu les admires aussi.
Et
je l'avais laissée là au bord d'une histoire d'a. et maintenant
elle voulait plus me r'garder en face, sauf pour dire des choses
graves qui faisaient serrer sa gorge et la mienne.
Sur
ça il a plut très fort.
On
n'avait toujours pas de tente vu qu'à la base c'était la sienne à
elle et qu'elle en avait besoin, on lui avait rendu, c'était quand
même la moindre des choses. Mon blond il rageait parce que sa
guitare trouée (qu'avait une corde neuve quand même) elle avait pas
sa housse imperméable et qu'alors elle serait trempée et le bois ça
lui plaît pas la tremperie, et on ruisselait des cheveux et des cils
et des poils des bras et des lacets pour ceux qui en ont.
On
marchait dans Porto avec la pluie sur nous et la nuit qui tombait et
pas d'maison ni d'amis.
On
voyait, en avançant dans la rue, des gens qui mangeait dans les
restaurants, je les regardais avec l'eau qui coulait de mes cils,
plic ploc, ils ouvraient des grandes bouches pour mettre la
fourchette dedans, pis refermaient et parlaient tout à la fois avec
des regards pour le gars face à eux, ils s'occupaient ni de la pluie
ni des gens qui se croient malins à voyager sans tente dans des pays
inconnus dont ils parlent même pas la langue, et qui perdent leurs
amis.
Finalement
mon blond qu'était quand même bien débrouillé. Il avait a trouvé
une maison abandonnée sur le bord du Douro (c'est un fleuve qui
traverse Porto). C'était une maison avec un côté effondré et
l'autre qui tenait, et au milieu il y avait un figuier géant qui
poussait: ça sentait le sucre et la sueur et la pluie. On s'est mis
tout nu pour faire sécher les habits et on a fait comme on pouvait
un lit avec des couvertures qu'on avait. Dans mon sac y'avait deux
tomates charnues et difformes qu'on a coupé en tranches comme des
steacks même sans sel ça faisait un dîner pas mal après la
douche. La douche de pluie et des sentiments.
Quand
on s'est réveillé y'avait en fait une forêt derrière la maison et
des hommes avec des casques et des combis qui nous ont dit qu'on
pouvait pas rester là, il a bien fallu partir. Heureusement les
habits étaient secs au soleil, on s'était serré dans les bras
toute la nuit j'avais moins envie de pleurer amère.
Quand
j'y repense j'avais pas été une amie très fidèle c'est vrai, mais
pendant longtemps après ça je m'en voulais encore et j'avais encore
envie d'pleurer juste en pensant à elle, vu qu'on s'est jamais
remises proches-proches, et même encore maintenant.
(Un jour on est quand même retourné au Portugal juste elle et moi.)
(Un jour on est quand même retourné au Portugal juste elle et moi.)
Avec
mon amoureux de voyage on a quitté la maison où on pensait pas
rester toute façon, on voulait voyager dans le pays, pas toujours
rester en ville.
Je
me souviens pas de tout dans l'ordre, ça fait ça souvent, le
souvenir, on a des images fortes et les liens entre les images sont
floues mais bref on a rencontré des gens pis vu des paysages et on
est quand même remonté vers le nord qu'est le plus beau du pays à
mon sens et où j'ai retrouvé ma copine comme on avait prévu juste
quelques jours de séparation -mais c'était plus pareil.
C'était
beau quand même, Tras os Montes si tu peux voir ça dans ta vie
c'est pas l'époustoufle comme un grand canyon c'est juste beau des
montagnes et forêts vieilles et secrètes, pas fanées, vertes, un
vert fort. C'est des forêts mocassins et terre et rubans.
Là-bas
y a des petits vieux qui se tiennent tout le jour assis sur un banc
de pierre devant leur maison la route passe à leurs pieds, ils
bougent pas, ils nous regardent avec des yeux comme une pierre qui
palpite, ils ont des fois des barquettes de figues qu'ils vendent
cher pour les touristes, mais dans les villages isolés ils ont rien
que leurs grosses chaussures pis des fois un bâton. On sait pas
pourquoi, pour marcher ?
Le
père de ma copine (qui savait pas que j'étais une pas digne) il
nous a montré un truc à Tras os Montes, un truc des locaux qu'on
montre aux gens qui viennent en visite quelques jours.
C'est
simple, tu montes avec ta voiture, tu montes à plein pour être bien
lourds dans la voiture comme ça c'est encore moins triché. Tu
montes tu montes. Arrivé en haut, bah, tu redescends sur l'autre
côté de la montagne. Il faut aller doucement à partir d'un certain
endroit, tout le monde retient son souffle on sait pas ce qui va se
passer et ceux qui savent retiennent aussi, ça doit être
impressionnant. Tu sens que tu descends, la voiture elle roule, mais
doucement.
Et
puis, tout doux, elle s'arrête presque, mais la pente elle est
toujours bien raide, on croit que le conducteur freine, il freine
pas, il laisse aller. On trouve bizarre il dit Attends tu vas voir.
Et
pis la voiture vraiment doucement mais quand même, elle monte en
marche arrière. En marche arrière oui.
On
savait pas conduire nous autres à l'arrière, mais on voyait bien
que son père était au point mort, que la côte était raide, et que
la voiture remontait, genre toute seule – GENRE!
C'est
du magnétisme ils disent tous. Des savants experts font des savantes
expertises pour tenter de comprendre, y comprennent pas, ya rien à
comprendre, juste les voitures remontent au point mort.
Ça
fait drôle dans le ventre. C'est un peu drôle aussi vu que tout le
monde connaît ce truc: il y a une mini file indienne de voitures qui
montent pis qui descendent doucement au point mort et on se regarde
d'une voiture à l'autre, avec des yeux ronds magnétiques.
Je
l'aime cette histoire de Tras os Montes parce que ça confirme l'idée
que j'ai qu'cette montagne elle a quelque chose de sacré. Elle a
l'air d'avoir un secret silencieux dedans, que les gens les herbes et
les bêtes connaissent mais pour lequel y aurait encore zéro mot. Un
mystère sans langage pour le dire. Et j'aime ça fort.