Septembre,
ça
a d'la gueule nos allures dépenaillées
à
la terrasse du troquet
nos
douze bières bien à l'aise
et
nos mains noires
-
noir de la vigne
noir
de l'ivresse.
On
sort tout droit des champs
avec
sur nos visages des traces
de
sucre et de soleil
du
jus des raisins que nos bouches
ont
croqué à pleines ventrées.
On
était comme un Van Gogh, tu vois
barbouillés,
paysans, rudes et magnifiques, je te le dis.
Septembre,
les papillons estivaux
se
meurent et tombent
comme
des feuilles dans le vent
et
nous ne rentrons pas au bercail.
On
veut en découdre encore
avec
la terre
avec
le vieux temps, les vieilles gens,
on
a de l'élan pour ça,
on
a de l'élan.
(Et
les sangliers sont lâchés).
Ils
viennent nous voir, les vieux
ils
bombent le torse comme des coqs moustachus
ils
grondent la voix et fronce le sourcil
et
lèvent le poing
poing
de leurs mains épaisses et rugueuses
faîtes
pour flatter les chiens
faîtes
pour débusquer les champignons
et
tordre le cou des grives et poser des pièges
et
abattre un animal avec un fusil.
Là.
Le
vieux temps,
beau
et misérable et mystérieux,
qui
sent la terre et la soupe et le sang.
Ils
viennent voir
la
peau des vendangeuses dans le soleil
et
les grappes charnues de la vigne
et
les cuves où travaille le raisin.
Septembre,
on mange
la
nuit qui s'avance
et
l'ombre des oliviers près des flammes
prêtes
à lécher le ciel fiévreusement.
Les
papillons de jour sont morts
ne
restent, dans les recoins
que
ces bêtes ailées
sombres
et mystérieuses
voletant
contre le cabanon
haute
silhouette découpée dans la nuit.
Là,
entre les pierres centenaires
à
plusieurs dans les lits
on
se prête les verres
et
les cigarettes
et
les bouches pleines de baisers
quelques
caresses fugaces
qui
remontent vaguement
jusqu'aux
ventres
une
mélasse de corps et de peaux
et
de cheveux entre mes doigts;
dans
le creux du genou
un
souffle nouveau,
inconnu
et qui tremble,
à
petits coups lampés
papillons
noirs et lie
de
mes nuits
de
septembre.