dimanche 3 février 2013

Et le vent s'était levé



(suite de ce texte

Les jours s'allongeaient comme des truites au soleil, humides, et le vent s'était levé: il bousculait les tables des terrasses et les réverbères jusqu'à en faire tomber certains. Mon amoureux n'était pas là.
Les journées se mélangeaient avec les p'tits tracas quotidiens, le militantisme au travail, les hyper syndicalisés qui parlaient lutte et combat genre gladiateurs, et ceux qui se tâtaient les coins du ventre pour savoir ce qu'ils avaient dedans.
Nous au milieu on regardait avec des yeux ébaubis et on s'coinçait entre les portes pour discuter de comment calmer l'jeu.
J'avoue qu'j'aimais bien ça, qu'il me coince entre les portes. On s'retrouvait sur le parking pis y a eu ce jour où on est resté tard. Je suis monté dans ma voiture, y f'sait nuit, il a tapé à la vitre entre-ouverte, j'ai ouvert la porte, éteins la musique.
J'suis sortie.
Il s'appuyait contre un arbre très fin et la nuit tout autour de nous c'était beau. J'voyais sa silhouette découpée dans l'noir se balancer entre l'arbre et moi.
Moi je m'accrochais à la voiture, on parlait de nos vies au milieu d'histoires d'boulot, ça faisait du bien pis sa voix était encore plus douce. J'avais peur à force d'onduler qu'il tombe lentement contre moi, mais non.
Et pis on a dit, pour finir, à demain, on est maladroit et c'était sûrement mieux comme ça. J'sais pas.
J'ai encore peur qu'il tombe lentement contre moi.
J'ai encore peur d'apercevoir sa silhouette au coin de ma rue.

Il y avait des fois où toute ma pensée allait vers lui. Vers l'hypothèse de nos corps qui se collent et se mélangent. Vers cette douceur.
Il y avait des fois terribles où surgissait sa présence au coin d'une rue pour s'évanouir sur le visage d'un autre, dans la démarche d'un autre, et c'était tant mieux : j'aurais fait quoi? N'empêche toute la géographie de la ville était changée. Ça se découpait en rues où il était peut-être et en rues où il était pas, où il aurait pu être.
Faut dire encore que toi t'étais pas là et que ça, c'était de la certitude, et que ton absence en dents de scie se prolongeait sans que tu l'remarques.
Lui tous les jours et ses sourires, et ces mêmes lieux qu'on a connu à des époques différentes, où on aurait pu s'rencontrer mille fois mais c'est pas arrivé, et ça arrive maintenant.

Tu vois j'avais la cervelle comme une forêt tropicale, tout bruissait, tout était luxuriant et certains dieux devaient se marrer comme une bande de singes hilares, à me voir dealer avec tout ça. 

Et puis c'est retombé.
J'ai roulé des kilomètres loin de son sourire, j'ai rencontré par hasard des amis qu'j'allais voir, c'était comme un rendez-vous secret facile, vu que c'était dans le bar où on se retrouve toujours. J'étais quand même contente, comme un signe d'être au bon endroit au bon moment.
Y'avait la cousine que j'aime, on avait trouvé un plan des rues dans les toilettes du bar sauf qu'il était faux, on a dut courir, ça m'donnait chaud, déjà que j'ai toujours chaud.
J'ai vu un beau spectacle qui me faisait prendre des notes distendues dans le noir. J'écrivais de manière décousue des mots comme LUMIERE et des bouts de textes.
J'ai appris qu'on lisait des fois mon blog (j'assume pas), ça m'faisait rougir de honte pis d'plaisir, mais j'étais toujours contente.
Je pensais plus à lui, je pensais qu'à toi.
Et c'était bien.