Il
y avait un air humide et chaud autour de nous, on sentait l'herbe en
sève et tu marchais en te pressant contre moi, la peau de nos bras
se touchait, ça collait presque. L'air sentait le musc et le sucre
des lavandes quand la tige durcit avant de faire sa fleur. Ça
sentait l'humus aussi mais comme un arrière goût.
Nos
pieds nus sur leurs tongs s'enfonçaient dans le vert moelleux de
mai, c'était le début du mois avec des manifs, mais plutôt que
d'arpenter les rues on s'enfuyait la nuit pour se baigner dans le
lac. On avait pris ta voiture et tu conduisais, c'est toujours mieux
comme ça, même si j'ai peur pour les oiseaux qui se jettent sous
nos roues quand c'est toi au volant. (Je sais jamais si tu les vois
jusqu'au dernier moment ça me coupe le souffle souvent.)
Finalement
aucun accident ailé sur la route, tu t'es garé simplement sur le
bas côté, tu voulais chourer un panneau de signalétique avec un
train fumant dessus, tu prétendais pouvoir en faire une table basse
pour poser les tasses de café ou les shot-verres ça paraissait une
belle idée d'ameublement, je voulais voir ça vite mais pour
l'instant tu préparais ton coup. J'avais plutôt confiance vu qu'on
avait déjà piqué ensemble le panneau géant avec un lapin dessus
pour l'offrir à une crémaillère bref, j'aimais vraiment bien
l'idée.
On
parlait de tout ça avant que tu coupes le moteur et le silence et la
nuit tout à coup, quand t'as arrêté le moteur, ça nous avait
gêné. On s'taisait avec des sourires en coin. Le bruit des
portières était assourdi par le ciel noir quand on a refermé la
voiture, on ne voyait pas d'étoiles on entendait à peine nos tongs
qui claquaient sur le bitume et très vite c'était l'herbe de mai
comme j'ai dit tout à l'heure.
Notre
chienne sautait dans les buissons sans s'accrocher le pelage je me
demandais comment elle faisait ça, moi je m'accroche les cheveux
chaque fois, ça rend beaucoup moins gracieux dans la nature. Elle,
furtive elle se faufilait, on s'inquiétait de plus la voir, sa
blancheur fauve faisait des éclairs pâles au milieu des masses
sombres qui nous entouraient.
On
avançaient comme à tâtons mais on sentait la présence du lac tout
proche.
Les
crapauds chantaient pour nous.
Pour
pas les déranger on chuchotait en se pressant la peau des bras l'un
contre l'autre, on s'attrapait la taille pour pas tomber dans le noir
et je sentais le tissu de ta chemise glisser dans ma main ;
j'avais envie de rire et un peu d'angoisse quand même – il faisait
vraiment noir, et elle est où la chienne maintenant ?
Toi tu sentais la nuit et je respirais ta peau.
Toi tu sentais la nuit et je respirais ta peau.
Tu
m'as assise sur l'herbe ma robe a imprimé la moiteur de la terre.
Nos mains rapides cherchaient à percer les secrets de nos vêtements et nos haleines se mélangeaient. C'était un beau fouillis de corps. Tes doigts faisaient leur chemin jusqu'au pli de ma culotte-coton et le chaud de ta paume contre l'humide de mes creux ça faisait cambrer nos reins fort l'un contre l'autre.
Nos mains rapides cherchaient à percer les secrets de nos vêtements et nos haleines se mélangeaient. C'était un beau fouillis de corps. Tes doigts faisaient leur chemin jusqu'au pli de ma culotte-coton et le chaud de ta paume contre l'humide de mes creux ça faisait cambrer nos reins fort l'un contre l'autre.
On
a roulé dans l'herbe. Ça pesait sur la terre, nos viandes
frémissantes et notre souffle coupé. Les batraciens faisaient
silence dans les roseaux bruns Il y avait ta langue et tes mains et
tes yeux qui devenaient intrépides et brûlants, tu me repoussais
sur la terre et je sentais les petits grains de cailloux-sable dans
mon dos, même nos os se mêlaient peu à peu et très doucement tu
retirais toutes les herbes dans mes cheveux en caressant le dedans
mon corps. L'humide de l'eau toute proche et la pointe de tes doigts
sur l'arrondi de mes seins ça rendait dur et frissonnant leur rose
retroussé.
Le
lac et ses poissons étaient calmes, eux, et la terre devenait souple
et ondulante dessous nous.
Plus
tard tu retrouvas ma robe un peu verdie. Les crapauds avaient repris
leur chant.
Il
n'y avait toujours aucune étoile quand nous retournâmes à la
voiture. A la lumière des phares, je vis qu'il restait de l'herbe
dans nos cheveux.
En
démarrant tu me parlais l'air ailleurs de toute une série de tables
basses faites avec le code de la route. Je souriais de l'intérieur.