dimanche 22 février 2015

(Juste quelques mots - quand même)



Plus d'une demi-année maintenant qu'un nouveau cœur s'est installé dans mon corps, et que je porte en moi cette lumière invisible qui remplit tous mes jours. Plus d'une demi-année que dans le chuchotement de nos nuits s'écoule un compte à rebours de chaque minute, de chaque seconde, avant que nous ne soyons vraiment trois.
C'était l'été quand on a su, dans la chaleur bleue d'un dimanche, que tout recommençait, nouvellement, différemment, encore plus fou et plus fragile aussi. Depuis ce dimanche, j'ai constamment les mains posées sur mon ventre, les paumes tout contre ce petit cœur aux battements galopants; j'ai guetté les premiers sursauts, les premiers mouvements, la première rencontre à travers le rideau opaque et sensible de la peau, quand ce petit bout d'être s'est, pour la première fois, plaqué contre mes mains toujours présentes autour de lui.
Au début tout n'était que silence et mystère, mais j'ai senti, en bas à gauche, ce point niché dans mon ventre, cette sensation douce de nouvelles promesses. Nous n'avons rien dit d'abord – c'est pudique et prudent, un nouveau petit cœur.

C'est superstitieux aussi, un peu. On a du mal à célébrer cette nouvelle comme la première, on n'a pas, par exemple, ouvert de champagne, on n'a pas dit, les yeux brillants et la bouche timide, que l'on attendait un enfant et jusqu'à tout récemment, je ne voulais même pas prendre de photos. On se rappelle, malgré soi, qu'on ne peut toujours pas voir sans pleurer certaines autres images d'une autre grossesse que l'on oublie pas, malgré ce nouveau bonheur.
Tout est plus retenu, plus contenu, comme en sourdine. Pour protéger ce petits pouls-là, et pour se protéger soi-même aussi. On marche comme sur du feutre dans cette nouvelle espérance.

Et je suis chaque jour surprise de l'étonnant contraste entre ce silence ouaté et la force vive qui s'agite en moi. Cet enfant-là semble vouloir me dire à quel point il est vivant. Et sentir cette pulsation qui n'est pas la mienne, si familière et si étrange, qui s'agite au moindre contact, et même à la moindre de mes inquiétudes, répondant à mes prières les plus secrètes pour que la vie reste la vie – cette pulsation bat la mesure des mes journées comme un tambour qui n'en finirait pas d'appeler le bonheur.

*

Si les mots se retiennent, la symphonie qui court sous nos peaux bat son plein quant à elle.